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Ma définition de l’artiste est plus proche du bâtisseur de l’avenir

Dernière mise à jour : 12 mars 2021


Interview de Jérémy Gobé, Artiste et Fondateur de Corail Artefact


1) Comment votre vocation d’artiste vous est-elle apparue ?


J’ai toujours aimé dessiner, observer, … Enfant, je m’imaginais souvent dessinateur sans savoir trop ce que cela pouvait vouloir dire. J’avais une image de quelqu’un avec une salopette dont les poches étaient remplies de crayons de couleur. Mais je n’avais aucune idée de comment y arriver, quelles études faire. Ce n’est que pendant ma première et unique année à l’école d’architecture de Nancy après un bac scientifique et après avoir eu mes premiers cours de dessins et d’histoire de l’art que j’ai su que c’était ma vocation. J’ai au même moment appris l’existence des beaux-arts et j’ai changé de voie.


2) Parlez-nous du Projet Corail Artefact?


C’est une aventure autour de l’idée que – par – fait plus. Tenter de résoudre plusieurs problèmes à la fois, créer un cercle vertueux de solution : puisez l’inspiration dans les savoir-faire et la nature pour renouveler justement les savoir-faire et les enjeux sociaux, économiques et industriels qu’ils portent, tout en trouvant notre place au sein de la nature. Montrer également que l’art contemporain n’est pas déconnecté de son époque. Au contraire, il peut servir de liant entre les différents domaines de la société pour développer des réponses aux grands enjeux de notre époque ; pas juste en observant et en pointant du doigt les problèmes, mais en mettant la créativité au service de solutions collégiales.

Concrètement, avec mon associée Claire Durand-Ruel, notre équipe et nos partenaires, nous développons des solutions de régénération et de reconstruction des récifs coralliens, des alternatives aux objets plastiques, des programmes de sensibilisation et d’éducation pour une solution globale et vertueuse à la disparition des coraux à travers le monde.


3) Vous travaillez entre autres avec des scientifiques, des gens de mondes différents du vôtre. Comment parvenez-vous à « parler la même langue »?


J’ai toujours collaboré avec des personnes en dehors du milieu de l’art (ouvriers, artisans, …). Pour moi, c’est là où je crée réellement. Les œuvres sont finalement des témoins de ces rencontres, mais la création est justement dans ce langage commun. Pour y arriver, chacun doit faire un pas vers l’autre. Pour ma part, mon chemin consiste à en apprendre le plus possible sur l’autre, son travail, les enjeux de sa pratique, sa vie, … et ensuite de transmettre mon envie de créer ensemble. Il faut avoir des valeurs communes, cela passe souvent par le travail. C’est réellement la valeur universelle pour moi, montrer à l’autre que l’on travaille, car c’est ce que chacun fait, travaille dans son emploi, sur soi, avec sa famille, tout cela représente des efforts, un investissement, mais surtout un message envoyé à l’autre : je travaille pour que nous puissions être ensemble, présents, à l’écoute. Je ne peux forcer les choses, mais avec l’expérience, beaucoup de personnes s’ouvrent et engagent ce travail avec moi quand ils ressentent la sincérité du projet et des motivations.

Cela n’a pas toujours été simple, j’ai sans doute été un peu naïf au début du développement de corail Artefact et certaines personnes avec qui j’ai pu collaborer n’ont pas fait leur part du chemin. Mais avec le temps et l’aide des personnes qui m’entourent, je peux dire aujourd’hui que je suis plus aguerri encore sur la création de ce langage commun et sur le fait que, parfois, il ne faut pas insister si l’autre ne fait pas sa part du chemin.


4) Pour vous, un artiste est-il un traducteur ou un tisseur? Y a-t-il une « identité » de l’artiste?


Impossible pour moi de résumer ce qu’est l’artiste, car je pense qu’il y a autant d’artistes que de façon de pratiquer la créativité. Je ne peux parler qu’en mon nom et personnellement j’essaye de faire en sorte que mes créations tissent des liens, créent des ponts entre les différents domaines de la société. Je suis vraiment attristé de voir qu’aujourd’hui, peu de gens s’intéressent à l’art de leur temps. J’admire des artistes comme de Vinci pour leur curiosité, la porosité des domaines qui les intéressaient et leur champ d’action : peinture, ingénierie, médecine, … J’ai du mal à comprendre comment l’artiste est devenu aussi sectorisé, isolé dans une pratique et mis à l’écart de la société. Je me lève le matin pour partager, découvrir et apporter ma pierre à l’édifice, alors je dirai que ma définition de l’artiste, selon ma pratique, est plus proche du bâtisseur de l’avenir, de la concrétisation d’utopie.


5) Pourquoi, selon vous, les artistes ont-ils beaucoup moins de mal que les autres à hybrider les mondes? Qu’est-ce qui fait qu’ils parviennent à sortir des cases, à en imaginer de nouvelles? Qu’ont-ils compris de l’hybridité que le commun des mortels a tant de mal à comprendre?


Encore une fois, il est difficile de parler en terme générique, mais pour ma part, je dirai que je me suis toujours senti à la marge. Et quand on se sent à la marge, il est sans doute plus facile de remettre les choses en question et de tenter de les changer. Mais pour changer les choses, il faut travailler, mettre le doigt sur ce qui ne va pas et chercher des solutions. Pour trouver des solutions, il faut de l’inspiration. Pour trouver l’inspiration, il faut être curieux, ouvert et y croire. Pour moi, l’hybridation c’est l’inspiration, l’imagination, la connexion qui permet de trouver des solutions.


Peut-être que tout réside dans le pourquoi des choses. Je ne travaille pas pour un salaire, je travaille pour un instant de créativité qui peut-être n’arrivera pas. Mais j’y crois. Peut-être que beaucoup de gens ont cessé de croire en leur rêve, en une société meilleure, en une vie meilleure. Moi je n’ai jamais cessé d’y croire et c’est peut-être pour cela que je ne pourrais jamais me résoudre à ne pas essayer de changer, améliorer, hybrider les choses.


Le site de corail artefact : www.corailartefact.com

Le site de Jérémy Gobé : www.jeremygobe.info

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