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Les directeurs de cabinet sont exposés sur tous les fronts


Questions à Alexandre Mora, Président de Dextera et Directeur de cabinet du Président de la Région Grand Est. Proche des élus locaux, vous occupez, en tant que directeur de cabinet, une place particulière auprès des élus locaux. Pouvez-vous nous décrire la spécificité de cette fonction, alliant rigueur, confiance, capacités de management et humilité ?

La fonction de directeur de cabinet place celle ou celui qui l’exerce au plus près de l’élu quel qu’il soit. L’interaction est permanente et doit l’être. Par conséquent, oui je souscris pleinement à la description que revêt pour vous cette fonction.

Rigueur : car à défaut d’en avoir, vous laisserez s’instaurer discordes, et non traitement des dossiers qui vous sont confiés.

Confiance : et j’ajouterai loyauté, sont les maîtres mots de la fonction de directeur de cabinet.

Capacités de management : c’est impératif, car sont souvent rattachés au cabinet d’autres directions supports, donc il convient de veiller à éviter toute dissonance. Si l’élu est le chef d’orchestre, le directeur de cabinet est souvent le premier violon.


Humilité : la fonction est grisante, mais il convient de ne jamais perdre de vue que vous n’êtes pas l’élu. La légitimité de votre fonction ne réside que dans la seule confiance accordée par l’élu. Préférer l’ombre à la lumière est gage de pérennité dans la fonction. Dans la crise sanitaire actuelle, les collectivités sont très sollicitées, chacune avec ses compétences spécifiques. Vous êtes vous-même Directeur de cabinet d’une collectivité, la Région Grand-Est, en première ligne dans cette « guerre ». Qu’est-ce qui a changé pour vous dans votre travail au quotidien ?

Dans une région deux fois plus grande que la Belgique, ce qui a le plus changé dans mon quotidien, c’est de n’avoir plus qu’un seul point fixe… Car disons-le simplement, les télé ou visioconférences faisaient d’ores et déjà parties de mon quotidien d’avant-crise. Le confinement qui s’applique à chacun me contraint désormais à une seule proximité digitale. En connexion permanente avec le président, les élus, les autres membres du cabinet et la direction générale des services, c’est un modus operandi différent qui a été instauré. Disons-le simplement, le télé travail est tout autant (si ce n’est plus…) synonyme d’efficacité dans les missions quotidiennes de la maison Région.

L’enjeu majeur pour une collectivité comme la nôtre fut en premier lieu d’assurer la pérennité du service aux publics. Il aurait été inimaginable de tout arrêter. Il nous est apparu indispensable de veiller à maintenir pour les soignants un transport public à la demande. Nous avons par ailleurs décidé de rémunérer les élèves aides-soignants et les étudiants infirmiers qui s’engageraient en milieu hospitalier dans le combat contre le COVID-19. Nous avons déployé des trésors d’ingénierie, afin d’offrir au plus tôt des solutions en soutien aux forces vives du territoire, tout en assurant notre part à l’effort de guerre. La Région Grand Est, tout comme d’autres régions françaises d’ailleurs, a en effet veillé à organiser la distribution de masques auprès des structures médico-sociales ou des EHPAD, et ce, en étroite partenariat avec les 10 conseils départementaux de notre région. Les collectivités territoriales sont pour le moins résilientes dans cette période et assurent, doit-on le regretter ?, une grande part de ce que l’État ne fait pas en proximité… Vous êtes également Président d’une des principales associations des Directeurs de cabinet. Savez-vous si de nombreux collègues ont été atteints du covid-19 ? Avez-vous mis en place une cellule d’écoute au sein de l’association et initié des mesures spécifiques ?


DEXTERA est la 1ère association de collaborateurs d’élus de France, regroupant les collaborateurs de cabinet des collectivités territoriales de la droite et du centre. Notre association fédère plus de 1000 membres répartis au cœur de l’Hexagone, mais aussi naturellement en Corse, ou dans les outre-mers. Nos membres sont le reflet d’un échantillon de la population française, et donc oui malheureusement, certains de nos adhérents ont été testés positivement au COVID-19. Au cœur de ce combat, je vous le disais plus avant, les collectivités sont hautement mobilisées dans cette lutte, mais aussi afin d’assurer la continuité du service public. Dans ce combat, les directeurs de cabinet sont en première ligne aux côtés de leurs maires, présidents d’EPCI, de département ou de région. Je souhaiterais avoir une pensée toute particulière pour mes collègues de Mulhouse, qui ont traversé ces dernières semaines de rudes épreuves, mais ils ne sont pas les seuls, – car le quotidien est là -, et naturellement j’adresse mes amicales pensées à mon collègue de Romans-sur-Isère qui lui aussi samedi dernier, nonobstant le COVID-19, a fait face à une attaque au couteau dans sa commune.

Les directeurs de cabinet sont exposés sur tous les fronts, et par conséquent, notre association essaie de nourrir chacun en information et surtout en partage de solutions. Comme vous le savez, il y a quelques jours les électeurs étaient appelés aux urnes. Par conséquent, non content de gérer la crise, le vide juridique a plané jusqu’à la récente sortie des ordonnances permettant de structurer le travail de nos assemblées délibérantes, qui auraient dû être renouvelées…

DEXTERA est à l’écoute de ses adhérents et nous veillons avec nos conseils, le cabinet DRAI et associés, à apporter des réponses, mais aussi à partager, comme je vous le disais, des solutions, je pense notamment à la méthodologie pour gérer le confinement au sein des structures hébergeant les seniors. On parle beaucoup des élections municipales depuis l’organisation du premier tour au début de la crise sanitaire, mais aussi de leur report dans le courant du mois d’octobre. Vous êtes des agents contractuels de droit public. Comment gérez-vous cette « instabilité professionnelle », qui s’ajoute à la crise sanitaire et économique ?

Les récentes ordonnances ont apporté une partie de la réponse à votre question. Le mandat des édiles étant prolongé, les collaborateurs de cabinet ont vu de facto la fin de leur contrat prorogé. Mais disons-le franchement la situation est loin d’être confortable… Soit vous avez la chance de travailler pour un élu dont la confiance a été renouvelée dès le 1er tour, mais si votre élu est prié de se présenter au second tour, l’incertitude est majeure… Les résultats du 1er tour seront-ils confirmés ? Maintenus ? Le second tour aura-t-il lieu le 21 juin ? Les élections seront-elles reportées en totalité en octobre ? C’est flou, pour le moins, je vous le concède.

S’ajoutent à cela des spécificités. Je pense tout d’abord aux nouveaux maires élus, qui auraient pu légitimement s’entourer d’une équipe, mais n’étant pas installés, ils ne peuvent pas recruter leurs collaborateurs et voient parfois ceux qui ont été battus gérer les affaires municipales. Je vois aussi les collaborateurs de cabinet qui ont démissionné de leur fonction, afin de se présenter aux suffrages des électeurs, qui ont été élus, mais qui ayant démissionné ne peuvent pas prétendre à une inscription à Pôle Emploi. Au centre de la relation entre le politique et l’administratif, entre le public et le privé, le Directeur de cabinet va-t-il voir ses fonctions évoluer à l’avenir ?

Les fonctions du directeur de cabinet évoluent en permanence, car les situations auxquelles sont confrontées les collectivités au sein desquelles nous exerçons, sont en permanence en mouvement. À mon sens, c’est ce qui fait aussi le charme du métier, si nous souhaitions des fonctions plus sereines, nous aurions choisi d’autres voies…

Depuis mon entrée dans la profession en 2004, j’ai d’ores et déjà vu l’évolution du contour de nos actions, mais aussi de la reconnaissance de nos missions et fonction. Le cabinet est l’incarnation de l’agilité de la collectivité, donc ses membres doivent continuer à évoluer pour s’adapter à leur environnement, et notamment aux exigences de leurs administrés qui sont toujours plus hautes.

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