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Le retour au travail post-Covid-19 et les risques psychosociaux


Tribune de Sylvie Brunet, Spécialiste du droit du travail, Députée européenne, vice-présidente du groupe parlementaire Renew Europe

La situation actuelle de déconfinement et de retour progressifs au travail, interroge en France comme dans toute l’Europe et le monde entier, de nombreux experts et DRH sur l’impact de cette crise en termes d’émergence ou d’intensification des RPS (risques psychosociaux).

Comment peut-on définir ces fameux risques psychosociaux ?

En 2011, le collège d’expertise sur le suivi statistique des RPS, coordonné par le sociologue Michel Gollac, en propose la définition suivante : « les risques psychosociaux sont les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental ».

Les auteurs du rapport précisent : « ce qui fait qu’un risque pour la santé au travail est psycho-social, ce n’est pas sa manifestation (qui peut être psychique ou physique) mais bien son origine ».

Ce même rapport distingue six catégories de facteurs de risques qui font référence. Le premier facteur concerne l’exigence du travail, en termes de quantité, de complexité et d’intensité.

Le second facteur relève des exigences émotionnelles. Elles se repèrent dans les situations où les salariés doivent contrôler leurs émotions, alors qu’ils sont confrontés à la souffrance des personnes ou à la violence verbale ou physique. Les activités de soin et d’aide à la personne, mais aussi le travail en contact direct avec des personnes vulnérables sont particulièrement concernées.

Troisièmement, le manque d’autonomie est cité comme un risque repérable dans l’empilement de procédures rigides ou pointilleuses à l’excès.

Sans surprise, le climat social au sein de l’organisation et notamment les relations entre collègues ou avec le management font partie également des facteurs de risques psycho-sociaux.

Le cinquième facteur, les conflits de valeurs, tient plutôt au rapport que chacun entretient avec son travail et à l’appréciation qui peut être faite de ce l’on désapprouve ou pas dans celui-ci, ainsi que des moyens de bien l’accomplir.

Enfin, l’insécurité de la situation de travail se comprend comme l’impossibilité de se projeter à moyen ou long terme dans son avenir professionnel, que ce soit en raison de la pénibilité ou de la précarité de l’emploi occupé.

Ainsi cette crise pandémique d’une ampleur et aux conséquences inédites et dramatiques sur le nombre d’heures travaillées perdues dans le monde depuis avril (14% selon l’OIT) a-t-elle vu aussi émerger l’utilisation croissante du télétravail et d’accélération de la « digitalisation » des organisations.

Il m’apparaît donc que plusieurs facteurs liés à la Covid 19 peuvent être à l’origine de risques psychosociaux :

Tout d’abord, l’amplification du travail à distance qui, mal organisé et encadré, peut générer un déséquilibre vie professionnelle-vie personnelle, particulièrement pour les femmes et les parents de jeunes enfants. Des réunions en visio-conférence à répétition et sans interruption, avec parfois cette impression fallacieuse d’un « non-véritable travail » ont pu par exemple générer un fort stress en termes d’exigences professionnelles et de la fatigue nerveuse, amplifié par un autre facteur de risque dû au manque de relations humaines collectives et de soutien social.

Toutes les études montrent donc que, même si globalement ce type d’organisation du travail est plébiscité par les salariés, il doit rester limiter à deux ou trois jours au maximum dans la semaine.

La seconde source de RPS à surveiller après une telle crise pandémique, provient des exigences terribles tant quantitatives qu’émotionnelles vécues par certains travailleurs, notamment les personnels de santé qui ont été exposés à une grande souffrance de la population et à des situations parfois dramatiques qui les marqueront à jamais. Il est indispensable que ces personnes soient suivies, écoutées, accompagnées et puissent se retrouver avec leurs familles, prendre rapidement un vrai temps de repos pour elles-mêmes, pour prévenir d’éventuels burn-out.

Enfin, après presque trois mois de coupure avec le collectif de travail, certains ont développé une vraie anxiété de retour au travail : il faut les rassurer notamment en termes de mesures de protection, communication sur les moyens mis en place afin de prévenir ainsi un vrai sentiment d’insécurité au travail.

Il est nécessaire de « réapprendre » la vie d’avant, même si nombre de travailleurs se réjouissent de retrouver leurs collègues, leurs activités professionnelles et relationnelles qui font autant partie de leur motivation au travail que les tâches qu’ils accomplissent. Le dialogue social doit accompagner ce processus.

Les managers vont avoir un rôle majeur et inédit. Ils devront eux-mêmes être accompagnés et formés dans cette période très sensible de reprise économique et sociale.

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