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La transition écologique est une opportunité

La transition écologique est une opportunité pour mettre en œuvre une politique d’aménagement du territoire



Interview de Monsieur le député Jean-Charles Colas-Roy

Vous avez cosigné une tribune avec la députée Bérangère Abba et l’eurodéputé Pascal Canfin intitulée « l’écologie au cœur de l’acte II du quinquennat ». Un an plus tard, après la crise sanitaire que nous venons de subir, la transition écologique est-elle toujours une priorité ?

L’écologie est plus que jamais au cœur de la relance et du monde d’après que nous devons construire. La relance, en particulier industrielle, doit permettre d’accélérer cette transition. Il y a eu des annonces fortes de la part du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire et de la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, notamment dans l’aérien, par exemple. Le Président de la République lui-même s’est exprimé sur le sujet, la semaine dernière, à l’occasion de son plan de relance du secteur automobile. Il a expliqué que cette crise devait être l’opportunité pour l’ensemble des acteurs de suivre une voie plus décarbonée, plus verte, plus écologique. Il ne faut surtout pas reproduire l’erreur de la reprise économique après la crise de 2008… Au contraire, il faut une relance sociale, économique et écologique.

Concernant la taxe carbone, certes, il faut repenser la taxation, mais sans oublier ce qu’il s’est passé avec les Gilets jaunes. Il convient de trouver des solutions en les rendant socialement acceptables et en donnent à chacun les moyens d’être acteur de la transition écologique. Notre leitmotiv est : accompagner les plus modestes, inciter au maximum et contraindre en dernier ressort. Dans le contexte de prix du pétrole très bas, il n’est pas incohérent de réfléchir à une adaptation de la fiscalité du carbone. Mais si cette réflexion est intéressante à l’échelle française, elle doit surtout avoir lieu à l’échelle européenne… Vous co-animez à l’Assemblée Nationale, avec Jean-Marie Sermier, un groupe d’étude sur l’énergie verte rassemblant plus de 60 parlementaires. Quel est l’enjeu de ce groupe aux côtés de la Commission du développement durable et quelles sont les thématiques que vous abordez ?

Il s’agit d’un groupe d’étude de soixante parlementaires, – transpartisan -, au sein duquel nous menons des auditions de différents responsables politiques, d’acteurs engagés dans les énergies nouvelles et les réseaux énergie, gaz, électricité, etc.

C’est un travail complémentaire du travail en Commission, qui nous permet de traiter des sujets énergétiques, d’entendre les attentes des acteurs de l’énergie, de percevoir les signaux faibles et de préparer en amont les textes. C’est important d’avoir ces espaces de réflexion. Pour sortir de la démarche en silo et des affrontements partisans et politiques, c’est un espace essentiel, qui nous fait gagner du temps.

Par ailleurs, je souligne l’intérêt du Conseil de Défense écologique, créé à l’initiative du Président de la République, qui se réunit tous les mois et demi ou tous les deux mois. Il rassemble tous les ministères concernés et prend des décisions interministérielles fortes, comme l’arrêt du projet de Montagne d’Or, en Guyane, ou celui d’Europacity.

Ce travail décloisonné peut nous amener à nous poser la question, d’une part, d’une évolution du ministère de l’Ecologie qui pourrait un jour intégrer le logement et l’agriculture; et d’autre part, au Parlement, on pourrait se demander s’il ne faudrait pas refusionner la Commission des Affaires économiques et la Commission du développement durable, pour montrer qu’économie, écologie et aménagement du territoire doivent être traités ensemble. L’Europe absente – et dont les Etats membres ont parfois été divisés sur la gestion de la crise sanitaire – semble désormais vouloir prendre des initiatives. La Commission européenne a présenté un plan de relance de 750 milliards d’euros « permettant au continent d’atteindre la neutralité climatique, de se digitaliser et d’assurer le bien-être des générations à venir ». Qu’attendez-vous concrètement de cette initiative ?

J’attends la mise en œuvre du Green Deal dans l’ensemble des Etats européens et l’accélération de la transition écologique. L’Europe peut aider les pays les moins avancés sur ces sujets et apporter une aide à certains secteurs et filières d’avenir : je pense au développement des réseaux électriques et d’énergie à l’échelle européenne, celui des batteries électriques, le soutien à la filière hydrogène.

Il faut mettre en place une véritable souveraineté énergétique de l’Europe. Il ne s’agit pas de revivre le fiasco des panneaux solaires qui a eu lieu il y a quelques années et qui a conduit à favoriser leur développement en Chine. La nouvelle feuille de route de l’énergie française (Programmation pluriannuelle de l’énergie, ou PPE) fait référence à un plan de rénovation énergétique des bâtiments. Ne pensez-vous pas que le bâtiment devrait être l’un des secteurs clés de la transition écologique ?

Il s’agit d’un secteur-clef de la relance et de la transition écologique. La croissance française est un peu plus en berne que dans d’autres pays européens, car notre économie est très dépendante du BTP. Il faut donc mettre l’accent sur les investissements dans la transition écologique, puisque l’on est encore en dessous des objectifs que l’on s’était fixé en termes de rénovation des bâtiments énergivores, les fameuses « passoires thermiques ». La rénovation énergétique des bâtiments est aussi un enjeu de justice sociale, puisque ce sont souvent les plus modestes qui paient les factures d’énergie les plus élevées. Nous avons mis en place plusieurs outils pour y remédier: les investissements, les crédits d’impôts, la simplification des aides à la rénovation. Il y a un travail à mener sur le droit des copropriétés pour débloquer certaines situations. Nous voyons les choses en plusieurs phases :

  • Une première phase d’incitation : aides, subventions, crédits d’impôts;

  • Une deuxième phase d’obligation : critère de décence énergétique;

  • Une troisième phase de sanctions pour contraindre en dernier ressort à la réalisation des travaux.

Sur ce sujet, on doit être encore plus ambitieux et volontariste. L’argent investi est bon pour la transition écologique, la justice sociale et l’économie, car ces actions sont créatrices d’emplois nouveaux et non-délocalisables. L’enjeu de la commande publique sera d’intégrer de plus en plus de critères environnementaux pour mieux choisir les entreprises vertueuses et locales. Il faudra également en profiter pour tirer la commande publique vers la transition écologique, en rénovant massivement le parc des bâtiments publics (universités, hôpitaux, etc.) Ce même document de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour les périodes 2019-2023 et 2024-2028 en métropole fait la part belle aux énergies renouvelables électriques, éoliennes et solaires. Cependant, le texte n’évoque que de façon parcellaire les questions de stockage d’énergie. Ne pensez-vous pas que le stockage d’énergie est aussi l’un des leviers du développement de ces énergies renouvelables ?

La question du stockage est bien évidemment un sujet majeur. Au niveau européen, il y a d’ailleurs un vrai soutien à l’ « Airbus des batteries » ou encore à la filière hydrogène, qui peut être un vecteur de stockage des énergies intermittentes En France, je voudrais que l’on développe davantage la R&D pour améliorer l’innovation dans le domaine des réseaux, des stockages, de la complémentarité entre les différentes énergies. Il y a un intérêt majeur à investir dans ces nouvelles technologies pour permettre à la France et à l’Europe d’être plus résilientes, en cas de nouvelles crises. Les appels pour une relance économique verte se multiplient depuis plusieurs semaines, portés a contrario de la crise de 2008 par de nombreux grands patrons d’entreprises et de sociétés de la finance. Pensez-vous que l’Etat aux côtés des collectivités locales puisse prendre l’initiative de plans massifs d’investissements publics verts ? La transition écologique est une opportunité pour mettre en œuvre une politique d’aménagement du territoire. Les régions sont chefs de file de cette politique; il faut associer au maximum les élus locaux, les collectivités, les entreprises et les citoyens. On le sait bien: plus les citoyens sont associés au développement des projets d’énergie nouvelle, plus ces derniers voient le jour rapidement. Il faut lever les blocages, permettre aux élus d’investir plus durablement et aux citoyens d’être davantage parties prenantes de ces projets qui correspondent à leur bassin de vie.

Les CTE (Contrats de Transition Ecologique) entre l’État et les collectivités territoriales laissent la place aux initiatives, aux expérimentations et apportent la souplesse nécessaire. La relation entre les préfets et les maires est très importante pour trouver des possibilités d’expérimentation par rapport à la norme. Il y a un objectif commun de mise en oeuvre des accords de Paris et de décarbonation donc chacun, à son niveau, doit y participer. Il faut développer les énergies nouvelles, la production de biométhane, la filière hydrogène, aider les territoires à mieux se saisir de leurs atouts locaux (montagne, fleuve, mer, etc.). Deux nouveaux groupes parlementaires se sont constitués récemment à l’Assemblée Nationale, dont l’un est initié par le député Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot. Comment interprétez-vous cet étiolement du groupe LREM ? L’exigence environnementale prend-elle le dessus sur le fait majoritaire ?

Je suis surpris du timing choisi pour la création de ces groupes, en pleine crise sanitaire, économique et sociale. La politique politicienne semble reprendre le dessus. Pour ma part, je pense que c’est en faisant partie de la majorité, en amendant les textes, en les votant, que l’on améliore la situation du pays. Certes, dans un groupe majoritaire, on ne va pas toujours aussi loin que ce que l’on voudrait, mais on agit et on peut être fier des nombreuses réformes entreprises. C’est en restant à l’intérieur du groupe, que l’on peut faire bouger les lignes et être utile. Je suis davantage pour une politique des résultats plutôt que des grands discours ; pour une écologie de l’action plutôt qu’une écologie de l’incantation.

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