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La relocalisation est bonne pour la santé, l’environnement, l’économie, le social et la solidarité


Interview de Monsieur Guy Sidos, Président du groupe Vicat

Dans ce contexte inédit, vous avez mis en place de nombreuses mesures d’adaptation, un plan de réduction des coûts des opérations, des reports d’investissement industriels non stratégiques. Comment concilier aujourd’hui l’exigence sanitaire et la nécessité de continuer à produire ?

Nous avons décliné une série de mesures en phase avec trois principes simples : 1/ protéger nos collaboratrices et collaborateurs 2/ Protéger nos clients et fournisseurs 3/ Protéger l’activité et nous préparer à la reprise.

Cela étant mis en œuvre dans un cadre discipliné accompagné d’une communication sobre et claire.

La situation impose des consignes sanitaires nouvelles à suivre. Celles-ci ont été intégrées par les équipes rompues au respect strict des consignes de sécurité. Dans ce cadre, il n’y a pas d’incompatibilité entre sécurité sanitaire et production et nous n’avons jamais interrompu notre production industrielle et nos services aux clients. Après plusieurs semaines de confinement, je constate que l’organisation fonctionne bien sans aucun cas de contamination grave ayant entraîné une hospitalisation et un retour au travail de plus de la moitié des cas suspects identifiés avant la mise en place du confinement.

Outre ces mesures sanitaires, l’entreprise s’est mise en ordre de bataille pour affronter les conséquences économiques de la crise, avec des mesures plus classiques de sobriété économique.

Dans ce contexte perturbé, je ne perds pas de vue l’avenir et je maintiens les investissements qui font de Vicat le pionnier industriel en matière de transition écologique et énergétique, attitude traduite par des initiatives majeures en matière d’économie circulaire, de réduction de l’empreinte carbone ou de production d’hydrogène Dans la présentation du groupe VICAT il est écrit que « vous placez l’homme au cœur du projet ». Je sais que vous avez pris un certain nombre d’initiatives pour assurer la sécurité sanitaire de vos salariés, de vos clients et de vos fournisseurs. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J’ai été impressionné par la réponse de nos équipes à la situation. Elles ont été professionnelles, engagées, volontaires et disciplinées.

Nos initiatives sont sanitaires, économiques et solidaires. Quelques semaines avant l’ordre de confinement officiel, nous avons respecté strictement les gestes barrières sur tous nos sites et nous nous sommes organisés pour limiter les risques dans la durée (dédoublement des équipes ; interdiction des voyages et échanges inter-sites ; protection des personnes « fragiles » ; confinement au premier indice ; interdiction des réunions ; proximité managériale ; etc…). Ce faisant, nos équipes, nos clients et nos fournisseurs se sont sentis en sécurité.

Les bonnes pratiques sont échangées sur les sites de production de nos douze pays d’implantation, en avance de phase avec la vague de la pandémie. Nous avions, il y a deux mois, approvisionné des masques et gels hydro-alcooliques, dont nous avons fait don aux hôpitaux de l’Isère et de la Meurthe-et-Moselle.

Le télétravail a permis d’isoler des milliers de collaboratrices et collaborateurs (800 en France) des fonctions supports et administratives, en les aidant à concilier activité professionnelle et responsabilités familiales. Le maintien de l’emploi est également un combat que nous menons. Il n’est pas question d’ajouter de la précarité économique au risque sanitaire ! L’engagement des équipes est total.

Cet engagement fort de nos salariés, de l’encadrement et de la direction de l’entreprise contribue à la stabilité du « contrat social » qui unit tous nos employés et fait d’eux une véritable force combattante où chacun, par la mise en œuvre quotidienne de ses savoirs faire et talents au service du Groupe, le renforce et l’aide à tenir le cap dans le mauvais temps. Dans le cadre de la relance post-crise, on parle beaucoup aujourd’hui de l’exigence environnementale et de la nécessité de mieux prendre en compte la protection des ressources, la biodiversité… Vicat est au cœur de cette transition technique et environnementale. Vous avez créé par exemple une filiale d’éco-valorisation, travaillé sur le « béton vert », développé la biodiversité sur de nombreux sites industriels. L’industrie du béton aura donc toute sa place dans ce nouveau monde ?

Et comment ! A l’échelle de la demande de logements et d’infrastructures pour 2,5 milliards de nouveaux habitants sur la planète d’ici 2050, il n’y a pas d’alternative au ciment, composant indispensable du béton. C’est le seul matériau de construction accessible en quantité et en coût à proximité des lieux de construction.

A cet horizon, la filière travaille à atteindre la neutralité carbone. L’élimination de l’usage des combustibles fossiles et la valorisation de matériaux issus de la déconstruction sont les premières étapes de cette trajectoire qui concerne l’extraction minière, sa transformation et ses usages. C’est pour nous, Vicat, industriels depuis deux siècles, une véritable révolution qui touche toute l’entreprise, de ses processus de fabrication à ses produits. Cette variété des problématiques et des défis techniques attire de nombreux talents motivés par cette évolution raisonnée du monde dont nous sommes acteurs. Les thèmes principaux sur lesquels travaillent nos équipes touchent autant à la décarbonation de nos activités qu’à la préservation, voire au développement de la biodiversité sur nos sites industriels et dans la construction urbaine. Ces thèmes rejoignent d’ailleurs les préoccupations sociétales actuelles qui veulent plus de végétal en ville, le développement d’infrastructures de transports décarbonés et portent une attention très forte à la qualité de l’air que nous respirons et à la qualité de l’eau que nous buvons. Cette attitude réinvente la relation entre le monde associatif environnemental et celui de l’industrie lourde qui se révèlent parfaitement compatibles. Votre industrie est l’un des acteurs majeurs de nos territoires, de l’emploi local et de la proximité. La crise Covid-19 a montré la nécessité de produire local, national et européen. Quelles mesures pourraient prendre les décideurs publics pour changer de paradigme ? Seriez-vous par exemple partisan d’inscrire dans certains cahiers des charges de la commande publique des clauses environnementales et des critères de production de proximité ?

N’est-ce pas le premier enseignement politique à tirer de cette crise : RELOCALISER ? La relocalisation est bonne pour la santé, l’environnement, l’économie, le social et la solidarité. Elle est indispensable pour développer la capacité de résilience d’un pays ou d’un territoire lorsque celui-ci est confronté à une catastrophe, qu’elle soit sanitaire, climatique ou sismique. La mondialisation a été trop loin et je pense que des politiques d’économie circulaire bien menées sont des forces naturelles de rappel qui permettent le développement d’une économie de proximité au service du développement d’une vie sociale de proximité. L’économie circulaire permet de limiter et de valoriser les déchets, de créer des emplois locaux et de redonner de la compétitivité économique aux industriels… Elle nous rend plus résilients et solidaires.

La commande publique a un rôle important à jouer : est-il défendable que la commande publique choisisse du granit chinois pour des chantiers à Rennes ou à Clermont-Ferrand ? Les politiques publiques ont un rôle essentiel à jouer : est-il défendable que rien dans la réglementation n’interdise les « fuites carbone » qui se traduisent, pour les cimentiers, par l’installation de broyeurs ciment qui vantent la vertu environnementale de leurs produits dont le CO2 de production et de transport n’est ni compté ni taxé, puisqu’émis sous d’autres cieux moins regardants…

Vicat développe aujourd’hui des systèmes constructifs à base de matériaux biosourcés comme le béton de chanvre. Ce matériau est pertinent s’il est local. Un intérêt du matériau local réside dans sa capacité à forger des paysages architecturaux propres à chaque territoire. Il permet aussi de ne pas être dépendant des importations de produits qui ont une empreinte carbone forte du fait des systèmes logistiques actuels qui reposent sur une énergie carbonée à bas coût comme le pétrole. Fidèle à ce principe, le béton Vicat est certifié « Origine France Garantie ».

Quand je me fais le défenseur du « local » je pense également au dialogue social. J’ai toujours privilégié cette voie de la proximité, car c’est celle qui est la plus proche des préoccupations que nos salariés rencontrent et des enjeux de l’entreprise. Les logiques par trop politiciennes des grandes centrales syndicales, dont je ne remets pas en cause la nécessité et l’existence, sont, pour moi, trop souvent éloignées des vrais besoins de l’entreprise et des vraies préoccupations des salariés. Le dialogue social local que nous vivons au jour le jour dans nos entreprises, pourrait être mieux pris en compte à l’échelon national et par nos instances parisiennes. Il est choquant que des mots d’ordre nationaux de certains syndicats puissent mettre en péril l’existence même de certaines entreprises et l’emploi de leurs salariés. La résilience de Vicat dans les crises n’est pas étrangère à la qualité du dialogue social dans l’entreprise.

Enfin je pense que l’Etat doit rester dans son rôle, même en période de crise, et ne pas s’immiscer dans les décisions d’organisation et de management des entreprises. S’il fixe le cadre réglementaire et l’adapte aux situations comme il le fait actuellement avec le système de soutien de l’économie qu’il met en place dans le cadre de la crise du COVID 19, il sort de son rôle et de ses compétences en cherchant à piloter le fonctionnement d’entreprises qui est une responsabilité de proximité, locale, qui est celle des chefs d’entreprises qui en ont la charge. Le mélange des genres entre le politique et la gestion des entreprises n’est pas une bonne chose. En revanche, l’écoute, la concertation, le partage d’information et la mise en commun des approches pour défendre notre pays, le redresser et permettre de redonner à nos concitoyens la meilleure qualité de vie possible est un combat commun. Les crises que nous traversons montrent qu’il y a autant de dangers à inverser la hiérarchie entre le politique et l’économique qu’il y en a eu dans le passé à inverser cette hiérarchie entre le politique et le militaire…

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