Questions à Thierry Marx, Chef cuisinier
Vous êtes un enfant de la République. Que représente pour vous le 14 juillet ?
C’est le symbole de la liberté et un moment de cohésion nationale. Pour moi, c’est la journée où nous faisons peuple. C’est aussi la mise en valeur d’hommes et de femmes qui s’engagent et donnent leur vie pour leur pays.
Vous avez créé « Cuisine mode d’Emploi (s) », qui propose une formation rapide, efficace, gratuite et qualifiante, à de nombreux jeunes sans diplôme, demandeurs d’emploi, personnes en reconversion professionnelle, etc. Définissez-vous la transmission des savoirs comme un acte républicain ?
La transmission, ce n’est pas seulement un acte républicain, mais surtout un acte citoyen. Toute personne disposant de connaissances et d’expertises, quel que soit le domaine, se doit de transmettre aux générations futures ce qu’il a lui-même reçu. Je me passionne pour mon métier et pour la transmission. Transmettre le geste, ses connaissances et son savoir-faire, faire naître le désir de connaissance chez l’autre, permettre de faire le pont entre tradition et innovation fait aussi partie de notre métier de cuisinier.
Quel est le rôle de la gastronomie en France et dans le monde ? Est-il uniquement culturel ? Quelles valeurs la gastronomie porte-t-elle ?
La gastronomie française est plus qu’un outil d’influence culturelle. Elle a un véritable rôle social et ne doit en aucune manière être cloisonnée au seul niveau du luxe. Tout en restant fidèle à ses traditions, la gastronomie française a su s’adapter, se développer à l’étranger et renforcer encore l’attractivité touristique de notre pays. En ce sens, notre gastronomie s’impose comme un moteur de notre économie qui englobe des secteurs aussi divers que l’agriculture, la pêche, la santé, la nutrition, le tourisme… La gastronomie est aussi un moyen pour un artisan de s’élever socialement ; elle permet de s’émanciper grâce à un savoir-faire.
Dans le monde, la gastronomie française est un véritable soft power et va souvent de pair avec la diplomatie. Lorsque quelqu’un s’assoit autour d’une table pour partager un repas, une confiance mutuelle s’installe. La cuisine crée du lien social, elle a cette capacité inclusive à rapprocher, à faire connaître l’autre et facilite en cela la communication et le lien de confiance.
De plus, elle est consacrée depuis 2010 comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco.
La gastronomie française est un savant mélange entre tradition et innovation. C’est avant tout le plaisir, conjugué aujourd’hui au bien-être et à la santé.
Qu’est-ce que la crise sanitaire du Covid-19 peut changer dans notre alimentation ?
La crise sanitaire que nous avons traversée nous a permis de redécouvrir le produit français et fait en France. Les Français se sont ré-intéressés à la cuisine, ils prennent à nouveau le temps de cuisiner, sont plus attentifs à la qualité du produit. Le confinement a permis à certains de redonner du sens à leur alimentation et je pense que ce comportement locavore va être quelque chose de durable.
Vous aviez demandé pendant la crise un fonds de solidarité pour les restaurateurs les plus fragiles. Aujourd’hui, on constate que les restaurants peinent à retrouver leur clientèle d’avant (notamment eu égard à l’absence des touristes étrangers). Quels dispositifs pourraient être mis en œuvre pour les accompagner ? Comment les restaurants pourraient-ils se réinventer ?
Notre profession a toujours su s’adapter. On n’a jamais connu de crise aussi dure, dans notre métier, mais je suis certain que les choses vont évoluer dans le bon sens. La France est un pays de restaurants et de lien social : les Français sont attachés à ces lieux de vie et retournent au restaurant. Et pour que le lien culinaire soit maintenu, il faut que le monde de la cuisine saisisse l’opportunité d’une cuisine à impact social et environnemental pour une gastronomie responsable.
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