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L’heure n’est plus à se demander si nous sommes prêts, mais à l’action


ITW de Monsieur Fréderic Valletoux, Président de la Fédération Hospitalière de France et maire de Fontainebleau. Vous êtes président de la Fédération hospitalière de France. Les effectifs hospitaliers ont été durement éprouvés par la crise sanitaire et ils ne semblent pas avoir été renforcés. Face à la progression de l’épidémie ces derniers jours, la France est-elle réellement prête à affronter une « deuxième vague » ?

Il est difficile de dire avec fermeté que nous sommes prêts, car depuis le début de cette pandémie, ce virus nous a plongé dans la plus grande des incertitudes. Ce qui était vrai hier ne l’est plus forcément aujourd’hui. Ce que l’on peut donc dire avec certitude, c’est que depuis le début de la crise, les hôpitaux ont fait le maximum pour s’organiser et agir afin de faire face à une situation sanitaire inédite dans un contexte où l’hôpital était fortement affaibli après de nombreuses années de restrictions budgétaires.

Les professionnels, à qui il faut rendre hommage, sont fatigués et n’ont souvent pas eu le temps de récupérer. Cet été, après la première vague Covid, il a fallu rattraper les opérations déprogrammées dans le cadre du confinement. Aujourd’hui contrairement à ce que l’on pourrait penser, malgré l’immense effort que la nation a consacré pour revaloriser les salaires dans le cadre du Ségur de la santé, les effectifs n’ont pas pour autant évolué et sont les mêmes qu’avant la crise. Même si cette fois nous avons les équipements de protection dont nous avons besoin et que nous sommes en capacité de déployer des lits supplémentaires de réanimation armés du matériel et des médicaments nécessaires, derrière chaque lit, ce sont 5 à 6 professionnels formés qui sont nécessaires. Il faut plusieurs années pour les former et nous n’avons pas plus d’équipes dédiées à la réanimation qu’après la première vague

De plus, dès avril, la FHF pointait plusieurs prérequis pour un déconfinement réussi, et pour anticiper une 2e vague. Nous disions notamment qu’il fallait partager les projections épidémiologiques avec les hôpitaux, dans chaque territoire, pour qu’ils adaptent au mieux leur organisation et déprogramment le moins possible les activités non COVID. Force est de constater que, sur ce point et bien d’autres comme les tests tous les enseignements ont été tirés et sont révélateurs des failles de notre système de santé. Mais l’heure n’est plus à se demander si nous sommes prêts, mais à l’action. Nous devons dire notre soutien aux professionnels qui luttent au quotidien. Nous devons aussi être responsables, respecter les gestes barrières, limiter notre vie sociale. Lors de la première vague, nous en appelions à l’union sanitaire sacrée. Elle est plus que jamais nécessaire. Face à l’augmentation du nombre de personnes hospitalisées, le plan blanc dans les hôpitaux a été déclenché. Le gouvernement a t-il pris toutes les mesures nécessaires depuis six mois afin d’augmenter notamment le nombre de lits de réanimation ? On dispose en France de 5000 lits de réanimation (84% publics), 6000 lits de soins intensifs (77% publics) et 7300 de surveillance continue (50% publics).

Le problème pour augmenter le nombre de lits ne concerne pas le matériel ni même les respirateurs, mais implique, comme je l’expliquais précédemment de disposer du personnel médical et paramédical possédant des compétences en réanimation.

Au plus fort de la crise, on a accueilli en même temps 7 000 patients relevant habituellement de la réanimation, en mobilisant en plus des 5000 lits de réanimation habituels des lits qui n’étaient pas stricto sensu de réanimation, en sollicitant beaucoup de personnel formé en urgence.

En théorie, en incluant les 5000 lits de réanimation habituels, nous pourrions aller jusqu’à 15 000 lits (qui ne sont pas à proprement parler de réanimation) permettant temporairement d’accueillir des patients de réanimation. Ce scénario n’est évidemment pas optimal ni souhaitable : il mobilise tout le système de soins, alors que nous devons continuer à prendre en charge les pathologies non COVID. Demain, pour ne pas renoncer aux autres soins non COVID, il faudrait éviter ce volume-là. Au-delà des aspects matériels, la question « humaine » et celle du personnel, disponible et qualifié est un vrai sujet. Les hôpitaux, comme les EPHAD manquent aujourd’hui cruellement de personnels. Comment répondre aux enjeux de la gestion du personnel dans cette crise sanitaire ?

Il y a plusieurs enjeux.

Dans l’immédiat, il faut que les mesures de revalorisation salariale qui ont été décidées dans le cadre du Ségur de la santé soient mises en œuvre le plus vite possible et pour tous, comme les professionnels exerçant en SSIAD et auprès des personnes en situation de handicap. Ce soutien s’exprime aussi par la reconnaissance de leur métier, de la dignité et de l’honneur de ces professions. Il faut le leur dire. Il faut aussi aller au bout des transformations de fond du système de santé, qui ont été parfois effleurées lors du Ségur : comment faire demain pour que l’hôpital soit moins sous pression ?

A moyen terme, il faut bien sûr accompagner la transformation des métiers, faire évoluer la formation (pensons aux infirmières de pratiques avancées).

J’ajoute qu’il faut aussi recruter beaucoup et vite, en particulier dans le médico social. La FHF appelle à un recrutement de 20 000 postes dès 2021, soit 3 équivalents temps plein pour 100 places en EHPAD. Vous êtes également maire de Fontainebleau. De nombreux dysfonctionnements ont été soulignés au printemps dernier entre les ARS, les préfets, les collectivités locales sur la gestion de la crise. Quel rôle les élus locaux doivent-ils tenir dans cette crise aux côtés de l’Etat ? Un nouvel acte de décentralisation est-il nécessaire ?

Il faut donner plus de place aux territoires, à la proximité, tout en gardant une politique de santé unifiée et cohérente. Il y a beaucoup à faire.

La crise sanitaire a montré que les collectivités locales pouvaient avoir un rôle de catalyseur dans l’organisation territoriale et le lien entre acteurs sanitaires et acteurs non-sanitaires (services de secours, acteurs économiques essentiellement). Le principal enseignement reste la capacité d’action des acteurs de santé autonomes et coopérant entre eux. Les collectivités locales sont bien sûr attendues sur le soutien qu’elles peuvent apporter aux projets qui émanent des acteurs de terrain.

C’est pourquoi nous proposons notamment de donner un rôle aux conseils régionaux dans l’aménagement régional du territoire sanitaire et dans l’investissement hospitalier, en développant par exemple une composante santé dans les contrats de plan Etat-région. Au niveau territorial, il faudra affirmer le rôle des élus locaux dans la validation et l’évaluation des projets territoriaux de santé.

Au niveau local, il est important de renforcer les contrats locaux de santé, dont le rôle de prévention et de santé environnemental est fondamental dans l’amélioration de la culture de santé publique dans la population.

Mais au-delà de la question de la place des élus, le sujet concerne aussi l’Etat : il faut déconcentrer davantage les ARS et les renforcer au plan départemental par un vrai mandat de gestion. Il y aura une grande anxiété en France vis-à-vis de la Covid avec des conséquences psychologiques, sociales et économiques sur un certain nombre de nos concitoyens. Comment pourrons-nous y faire face ?

Ces conséquences sont déjà là, il suffit de voir les données en matière de santé mentale. Notre Fonds FHF va d’ailleurs révéler prochainement une étude inédite qui sera publiée dans une célèbre revue scientifique amériacaine.

Il y aura bien sûr toutes les réponses en matière de politique générale pour la France, les perspectives collectives.

Mais je crois aussi que la première chose à faire est de reconnaître enfin la santé mentale et la psychiatrie. La psychiatrie publique est sous financée depuis des années, tout le monde le sait. Il faut y mettre un terme d’urgence comme le demande la FHF, qui souhaite une remise à niveau du budget public à hauteur de 5%.

Il faut aussi une politique de santé mentale plus ambitieuse, interministérielle.

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