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Il n’est pas sain dans un état démocratique que le Parlement soit lui aussi politiquement confiné !


Hervé Marseille, Sénateur, Président du groupe Union Centriste au Sénat Conformément à ses missions institutionnelles, le Parlement doit continuer à fonctionner, mais il tourne un peu « à vide », alors que de nombreux projets de loi ont été suspendus. Comment une journée « type » de Sénateur et de Président de groupe s’organise-t-elle ?

La journée d’un parlementaire confiné ressemble à celle de nombreux Français :il est essentiellement chez lui ! Alors qu’en temps ordinaire, il est surtout à l’extérieur ! La journée est marquée par de nombreuses vidéoconférences, des conférences téléphoniques, des appels téléphoniques, des auditions vidéo, la lecture de nombreux mails ou documents divers… Tout cela est très fatigant, car cela requiert de la concentration. En tant que Président de groupe, je réalise par vidéo une réunion du groupe chaque mardi, je participe chaque mercredi aux questions d’actualité au Gouvernement, je me tiens informé de la situation de chacun et je reste en lien avec les responsables des commissions, avec mon collègue RETAILLEAU qui préside l’autre groupe de la majorité sénatoriale et le Président du sénat. Il faut se maintenir informé et informer ! Le numérique ne remplacera jamais les discussions entre personnes réunies ensemble. Cette dispersion géographique nous fait courir….. Comme vous l’avez exprimé récemment, le Gouvernement exerce son pouvoir par ordonnances, le Parlement est confiné et les Maires en première ligne sont parfois « empêchés de faire ». Doit-on s’interroger sur la démocratie représentative en temps de crise ? Le Parlement a consenti la délégation de très importants pouvoirs au Gouvernement pour lui donner les moyens de combattre la pandémie. Aujourd’hui, le Gouvernement dispose de la quasi-totalité des pouvoirs. Ces pouvoirs sont considérables ; ils doivent être temporaires et étroitement contrôlés. Les préfets jouent un rôle majeur dans chacun de nos départements. Le Parlement n’était pas prêt pour affronter un tel moment. Comment se réunir à plus de 10 ? Comment voter, ? Comment réunir les commissions ? On ne va pas pouvoir continuer à se réunir à une poignée pour contrôler le Gouvernement et faire des propositions qui supposent un débat et des échanges. Au demeurant, le règlement du Sénat va devoir être adapté pour tenir compte de ce type de situation qui se renouvellera malheureusement. Il n’est pas sain dans un état démocratique que le Parlement soit lui aussi politiquement confiné ! Qu’a-t-on voté depuis l’autorisation donnée au Gouvernement de faire des ordonnances ? Et on passe à 112% du PIB d’endettement… Le Parlement doit retrouver rapidement la plénitude de ses pouvoirs. Les régions, les départements et les communes se révèlent être des acteurs majeurs dans la gestion cette pandémie, au plus près de leurs concitoyens, en proximité. Pensez –vous, comme d’autres de vos collègues, qu’un nouvel acte fort de décentralisation soit nécessaire ?

A l’évidence, la gestion de cette crise démontre que si les préfets jouent un rôle fondamental d’animation et de cohésion de l’action de l’État, les collectivités constituent leur partenaire indispensable. En tout premier lieu, les maires. Les acteurs principaux de ce drame sont l’exécutif, les blouses blanches et les collectivités locales. Déjà quand sont apparus les Gilets Jaunes, le Président de la République qui agissait en toute verticalité et en enjambant les pouvoirs intermédiaires, avait dû reconnaître le rôle incontournable des maires qui avaient été temporairement réhabilités… Avant la crise, il était prévu un projet de loi dit 3D pour une nouvelle étape de le décentralisation : ce projet est plus que jamais d’actualité et il doit être discuté préalablement, car nous nous méfions de la technostructure prompte à renforcer l’État! La loi sur le non-cumul des mandats de Parlementaire et de mandat d’exécutif local, pourrait-elle être de nouveau discutée après cette crise ? Le cumul aurait-il pu permettre une meilleure réactivité et une meilleure connaissance des situations locales ?

Le non-cumul des mandats a été l’une des très nombreuses avanies du triste quinquennat de Monsieur Hollande. Cette disposition a affaibli les collectivités, comme elle a affaibli les parlementaires. L’essentiel de nos collectivités locales sont de dimensions modestes. Plus de la moitié d’entre elles ont moins de 500 habitants, plus de 97% ont moins de 9000 habitants ! Face à l’État, c’est difficile. Par ailleurs, les Parlementaires sont de plus en plus tenus à l’écart de la vie locale à laquelle ils ne participent plus que périphériquement. Pour des raisons politiques et compte-tenu de l’opinion publique à ce sujet, je ne crois malheureusement pas à un retour en arrière. Pour autant, une avancée pourrait être de permettre au moins le cumul de certaines fonctions aux parlementaires (adjoint au maire, Vice-Président de département ou de région, Vice-Président de Société d’Economie Mixte ou d’Office HLM, etc.) pour qu’ils puissent participer exécutivement a l’action locale. Quels devraient être pour vous les grands enseignements de cette crise ?

Cette crise est loin d’être finie et beaucoup de leçons restent à tirer! A ce jour, on peut déjà dire que face à une crise de ce type, il faut de la réactivité et de la transparence. On voit bien que les ambiguïtés sur la gestion des masques collent à la peau du Gouvernement. Notre pays est centralisé et lourdement administratif. Nous le savons depuis longtemps, mais ceci nous empêche d’agir. La conclusion la plus évidente est qu’il faut impérativement desserrer l’étau et redonner vite plus de lattitude à nos collectivités qui savent agir au plus près du terrain avec une connaissance fine et une capacité de mobilisation très forte. Enfin, et c’est le plus difficile, il faut réinventer le système de relations au sein de l’Europe et dans le monde, car cette crise a des conséquences mondiales.

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