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En crise sanitaire, l’ennemi, c’est celui qui comprend, mais qui ne fait pas


Interview de Philippe Douste-Blazy, professeur de médecine, ancien ministre de la Santé et ancien secrétaire général adjoint des Nations unies 1) Vous êtes engagé depuis plusieurs semaines avec d’autres médecins en faveur de la généralisation de l’utilisation de l’hydroxycloriquine pour lutter contre le Covid-19. Dans ce cadre, vous avez lancé une pétition demandant au Gouvernement de mettre ce médicament à disposition de toutes les pharmacies hospitalières et d’ouvrir le protocole aux médecins libéraux. Pourquoi une telle initiative ?

Vous savez, dans une période de crise aiguë sanitaire sans précédent, telle que nous la vivons aujourd’hui, tous les moyens doivent être mis en œuvre pour remporter la victoire. Je fais confiance aux autorités ; et comme l’a dit le Président de la République la bi-thérapie du professeur Didier Raoult doit être testée au plus vite. Il y a en effet beaucoup d’indicateurs qui montrent que, dans les Bouches-du-Rhône, et à Marseille particulièrement, la situation est très positive, en comparaison du reste de la France, tout simplement parce qu’une véritable stratégie sanitaire a été mise en place dès le début, par le Professeur Raoult. Pour comparer les chiffres, il faut prendre les données de l’ARS et celles de l’Agence de Santé Publique France, puis calculer le taux que représente le nombre de personnes décédées à l’hôpital sur le nombre de personnes hospitalisées. On s’aperçoit que ce taux de mortalité est le plus bas dans les Bouches-du-Rhône : 5,3 contre 12 au niveau national! Cette stratégie qui devrait être mise en place progressivement sur le territoire national se décline en 4 points : – Mieux connaître la maladie car si l’on connaît bien le virus, on apprend tous les jours des choses nouvelles sur la maladie Covid-19. Dépister le plus largement possible : dès le mois de janvier, comme les Allemands, le Professeur Raoult a mis en place cette stratégie de dépistage massif. Plus on teste de gens, plus on tombe sur des cas positifs précoces. Par exemple, en Islande, ils font beaucoup de tests de manière précoce (10% de la population a été testée!), et l’on voit que 43% des personnes testées positives étaient asymptomatiques… Séparer les malades et les mettre en quatorzaine Traiter, le plus précocement possible, en associant deux médicaments : l’azithromycine et l’hydroxychloroquine. En 6-7 jours, il y a une diminution de la charge virale et le virus disparaît du corps humain. Bien sûr, si cela est pris suffisamment tôt. J’ai donc lancé cette pétition avec d’autres amis médecins et scientifiques pour permettre aux pharmacies hospitalières, puis si les résultats étaient confirmés aux médecins libéraux de prescrire, pendant cette période, cette association médicamenteuse du Professeur Raoult. Une prescription qui doit s’inscrire dans le cadre d’une stratégie sanitaire territoriale claire. Je tiens également à rappeler que le traitement du professeur Raoult a été validé par la Food and Drug Administration aux États-Unis et qu’il est actuellement utilisé en Espagne, en Italie ou encore au Maroc, Algérie, etc… 2) Vous connaissez très bien le monde français de la santé. Ministre des solidarités, de la Santé et de la Famille, vous avez initié, avec succès, des réformes délicates (l’assurance maladie, la mise en place du des médecins traitants, modernisation du système hospitalier public…). Comment expliquez-vous aujourd’hui les querelles entre les « sachants académiques » et les « sachants praticiens » ? En période de « guerre », ne doit-on pas mettre en œuvre une « médecine de guerre » et prendre des risques pour sauver des vies ?

Ça, c’est tout le dilemme posé par le philosophe Edgar Morin, à savoir le fameux dilemme entre l’urgence et la prudence. Dans un monde calme, sans pandémie, évidemment, on est dans la prudence, on mène des essais cliniques classiques, comme cela se fait à propos de nombreuses maladies chroniques (maladies cardio-vasculaires, cancers, maladies respiratoires,…) . Mais dans une période aiguë, comme celle-ci , où nous avons 500 – 600 morts chaque jour, nous sommes dans l’urgence, parce que de nombreuses vies sont en jeu. Les hôpitaux et tous nos soignants ont fait un travail extraordinaire ; ils sont les héros de la nation française. Mais il nous faut à présent un plan stratégique sanitaire ! C’est pour cela qu’il nous semble nécessaire et urgent de mettre en place la stratégie proposée par le Professeur Raoult.

Nous sommes étonnés qu’il y ait un tel climat de défiance à l’égard de ce grand scientifique, qui est régulièrement publié par les plus grandes revues scientifiques du monde (Science, Nature)! Étant donné la situation actuelle, suivons sa stratégie. Malheureusement, ce n’est pas ce qui est fait dans les expérimentations en cours, en particulier dans l’étude européenne Discovery, où l’on ne teste pas l’association des deux médicaments, mais seulement la chloroquine, et où le traitement est donné beaucoup trop tard, au moment de l’insuffisance respiratoire. Dans ces conditions, il ne sera pas étonnant de conclure à l’inefficacité de la chloroquine ! Pour ma part, comme un certain nombre de collègues médecins, j’en appelle au gouvernement pour assouplir, dès à présent, le décret pour délivrer ce médicament à plus de patients atteint du covid-19. 3) La philosophe Gabrielle Halpern a parlé du décalage entre le temps médical, le temps scientifique, le temps médiatique, le temps politique et le temps administratif. Pensez-vous qu’avec la crise sanitaire que nous traversons, leur divorce soit consommé ? Oui, c’est juste. Il est vrai que, de manière générale, le temps médiatique est devenu le maître des horloges et l’immédiateté de l’information vient tuer la politique : il faut répondre dans les 2h, dans les 3h, alors que le temps politique est beaucoup plus long. Mais là, dans ce temps d’urgence, les temps médiatique et politique peuvent se retrouver, à condition que le politique entre dans l’arène, aille sur le terrain. Le chef de guerre va sur le terrain, – il n’y a d’ailleurs pas de guerre gagnée, sans que le général n’aille sur le champ de bataille, on ne peut pas faire la guerre dans son bureau. Je me réjouis donc que le Président de la République se soit déplacé sur le terrain.

En crise sanitaire, l’ennemi, c’est celui qui comprend, mais qui ne fait pas. C’est le risque de la techno-structure : elle comprend, elle ne fait pas. Pourquoi ? Parce qu’elle ne risque rien… Par contre, le politique, lui, risque ! Le temps médiatique n’est pas vraiment le danger ; le problème, c’est le temps administratif, c’est la technostructure. Lorsque l’on voit les Allemands, à l’hôpital de la Charité de Berlin ou encore l’ équipe de l’IHU de Marseille, mettre au point, dès le 14 janvier, comme ils le peuvent, des tests, certes imparfaits, mais efficaces , et que, au même moment, des gens du ministère de la Santé, disent que les tests ne peuvent être faits que dans quelques centres de référence… « Comment des centres non référencés pourraient-ils faire des tests ? » Oui, ils ont raison sur le papier ! Intellectuellement, on ne peut pas leur en vouloir… Mais on ne fait pas le même métier ! 4) Quel est votre sentiment sur le déconfinement ? Devra-t-on avoir une stratégie qui concilie sécurité sanitaire et relance économique ? Est-ce compatible ?

La réussite du déconfinement ne dépend que de ce que l’on fait durant le confinement en terme de stratégie sanitaire. Si l’on considère le confinement comme une période qui ne vise qu’à diminuer le nombre d’entrées à l’hôpital, le nombre de lits occupés, le nombre de lits de réanimation, alors oui, c’est très utile, mais c’est totalement insuffisant. On doit profiter du confinement pour faire de l’épidémiologie d’intervention : c’est-à-dire prendre des équipes mobiles, mettre en place une organisation de terrain considérable, pour qu’elles aillent chez les gens et les testent, chez eux. Comme on n’a pas suffisamment de tests, on peut procéder autrement, en faisant des sondages de terrain dans les foyers de contamination. Tester, séparer. Tester, séparer. Et on met dans des hôtels les personnes contaminées. Là, vous allez voir que l’épidémie va s’arrêter ! Si l’on ne procède pas ainsi, si l’on se contente de déconfiner et d’ouvrir les écoles, alors ce n’est pas une stratégie de santé publique et on prend un vrai risque de rebond. Les médecins, les personnels soignants ont été extraordinaires. C’est en santé publique, que l’on n’est pas aujourd’hui à la hauteur. La médecine est curative et individuelle : c’est un face-à-face singulier avec un rapport de confiance pour le malade et un rapport de conscience pour le médecin. Cette médecine doit devenir progressivement une médecine préventive et communautaire ; or, nous n’en avons pas la culture en France. Comme le Président de la métropole du Grand Nancy, André Rossinot, le disait il y a plusieurs années déjà : il n’y a pas de culture de prévention sanitaire en France 5) Une dernière question sur « le monde d’après ». Après avoir été Secrétaire général adjoint des Nations unies, quel regard portez-vous sur le monde ?

Ce qu’il est intéressant de constater, c’est que toutes les nations ne regardent que leur nombril ; il n’y a aucune réponse internationale, ni aucune solidarité internationale. Même pas européenne. Au niveau européen, il faut reconnaître que la santé publique ne relève pas de la compétence des États membres et qu’elle n’est pas communautaire. Il faudrait qu’elle le devienne, au moins dans sa partie « santé publique ».

On ne gagnera que si l’on a une réponse collective ; c’est là que l’on touche du doigt le système Onusien. La filiale santé de l’ONU, c’est l’OMS : or, elle n’a aucune dimension contraignante. On avait mis en place le Règlement Sanitaire International, en demandant aux pays membres de l’ONU de le respecter. Mais l’OMS n’a aucun pouvoir de contrainte; ces pays ne le font pas ! Il est venu le temps de lui donner ce pouvoir. Cela permettrait de vérifier auprès de chaque pays combien de masques, de tests, de respirateurs, etc… il possède et contraindre chacun à acheter le stock requis par nombre d’habitants. J’espère que l’on va sortir de là avec un pouvoir contraignant donné à l’OMS.

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