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Diriger un orchestre c’est aussi maîtriser l’art du déroulement du temps


Interview de Madame Claire Gibault, cheffe d’orchestre

Vous avez créé il y a 10 ans le Paris Mozart Orchestra. Un ensemble engagé et solidaire, qui défend le décloisonnement des arts, son accessibilité au plus grand nombre et la création contemporaine… Quelle a été votre motivation dans cette démarche?

Un désir profond d’aller vers un public qui se sent exclu de la vie culturelle, qui pense qu’il ne recevra toute sa vie que « les miettes du festin », c’est-à-dire les évènements artistiques de dernière catégorie et qui se sent humilié par le milieu culturel. J’ai ressenti un profond désir de justice sociale et j’ai essayé d’inventer des chemins nouveaux pour rencontrer ce public non initié, sans céder à la facilité. Faire confiance et donner ses chances à ce public de tous âges, en programmant des créations multidisciplinaires, avec un accompagnement conséquent et une ouverture sur la co-création. Leur donner « un droit à élévation tout au long de la vie », selon la formule de Bernard Stiegler et développer leur créativité. Musique et confinement sont-ils compatibles ? Comment vous êtes-vous organisée pour travailler et maintenir vos activités avec l’équipe du Paris Mozart Orchestra et les établissements scolaires auprès desquels vous êtes engagés ?

Toute l’équipe du PARIS MOZART ORCHESTRA se réunit en visioconférence chaque matin. Nous dialoguons par mails et téléphone, avec les professeurs des établissements scolaires des Académies de Créteil et Versailles, partenaires de notre programme « Orchestre Au Bahut ». Les musiciens du PMO réalisent de petits films que nous envoyons aux établissements scolaires et nous sommes en train de mettre en place un concert sans public, respectant les consignes de distanciation et transmis sur des réseaux sociaux en direct, à destination des établissements scolaires où n’avons pas pu nous rendre et accomplir ainsi notre mission d’Éducation Artistique et culturelle. Quel est le rapport du chef d’orchestre au confinement ? Plus précisément au temps ou au tempo ?

Le rapport au temps est primordial pour les musiciens et pour un chef d’orchestre. Nous devons tenir compte de l’acoustique et de la réverbération du lieu où nous jouons pour déterminer le tempo d’un morceau. Le tempo des Menuets a beaucoup évolué au 18ème siècle quand il est devenu une danse de Cour. L’âge du Roi et les lourds vêtements des Aristocrates ont ralenti son tempo initialement très vif et alerte, quand il était dansé par les paysans. Dans l’opéra Les Nobles parlent lentement et les valets rapidement. Il y donc une connotation sociale du tempo ! Diriger un orchestre, c’est aussi maîtriser l’art du déroulement du temps en fonction des qualités individuelles des musiciens et de leurs propositions artistiques ! Donc nous sommes habitués à adapter et gérer notre tempo ! C’est ce qu’il faut essayer de réaliser pendant la période de confinement. La crise sanitaire du Covid-19 a des répercussions économiques dramatiques aussi sur le monde de la culture et du spectacle ; des représentations annulées ou reportées, du chômage partiel… Comment s’organisent les mesures de soutien aux artistes ?

Malheureusement le Gouvernement n’est pas encore très clair, en ce qui concerne les dédommagements qui pourraient être apportés aux Intermittents du Spectacle. Nous y sommes très attentifs car beaucoup de nos musiciens sont intermittents et souffrent beaucoup. Pourriez-vous nous conseiller un compositeur et/ou une œuvre musicale qui pourraient nous accompagner en ce temps de confinement ?

Tout Bach, tout Haydn, tout Mozart, tout Beethoven. La période classique est très apaisante et lumineuse. Pour moi, elle met à une certaine distance les excès des passions et transfigure les souffrances.

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