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Le revenu universel est-il une réponse à la crise ?


Tribune de Pierre Madec, économiste à l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques

Selon les estimations de l’OFCE, les 8 semaines de confinement devraient amputer le revenu disponible des ménages de 11 milliards d’euros, soit 380 euros par ménage. A titre de comparaison, cette perte est équivalente à l’ensemble des gains de pouvoir d’achat engendré en 2019 par la baisse de la taxe d’habitation, la défiscalisation des heures supplémentaires ou encore des revalorisations de la prime d’activité. Dès lors, la mise en place d’un revenu, que l’on pourrait qualifier d’universel, qui permettrait d’éviter, en cas de crise, ces fluctuations extraordinaires du revenu des ménages se pose légitimement. Problème ? Sauf à y consacrer un budget lui aussi extraordinaire, un tel revenu ne saurait être une solution miracle.

Un revenu universel, qu’est-ce que c’est ? Un revenu individuel, autrement dit, qui ne tient pas compte de la composition familiale, versé sans condition de ressources ni – évidemment d’activité, ce qui exclut de fait le « revenu universel d’activité » (RUA) proposé il y a quelques mois par le Président de la République.

Le financement d’un tel revenu ne pourrait se faire s’en accroître très fortement les impôts. Dès lors, dans le cas d’une crise comme celle que nous traversons, les citoyens victimes d’une baisse massive de leur revenu serait assurés de percevoir a minima le revenu de base. Sur le papier, l’idée est attrayante. Dans les faits, elle ne serait qu’une réponse partielle à la baisse de revenu enregistrée aujourd’hui par les ménages, notamment en France. Le système de protection sociale français, associé aux mesures d’urgences, telles que l’élargissement du chômage partiel ou la création d’un fonds de solidarité pour les indépendants, dont les indemnités peuvent atteindre 1500 euros, protègent plutôt efficacement les travailleurs notamment les plus modestes.

En réalité, les « perdants » de la crise sont principalement : les travailleurs précaires (exclus du marché du travail du fait de la crise), les jeunes (non éligibles au RSA et aux contrats souvent très courts) et les familles les plus précaires (qui, du fait de la crise, ont accusé une hausse de leurs dépenses, notamment alimentaires, sans ajustement équivalent du niveau de leurs prestations sociales).

Pour ces dernières, une « aide exceptionnelle » a été mise en place. Pour les autres, peu de solutions existent. Ce sont les trous dans la raquette de protection sociale française. Ils pourraient certes être réparés par la mise en place d’un revenu de base, mais pourraient aussi, plus simplement, faire l’objet d’aménagements spécifiques, afin d’élargir le champ d’action des aides sociales en France, sans pour autant mettre fin à un système qui permet à l’heure actuelle de faire sortir chaque année 2,5 millions de ménages de la pauvreté. L’élargissement du RSA aux jeunes de moins de 25 ans permettrait, pour un coût relativement faible comparé au montant en jeu actuellement (4 milliards d’euros), de protéger cette population particulièrement fragile, notamment dans des périodes telles que celle que nous traversons. L’ouverture précoce des droits au chômage (pas exactement le chemin pris aujourd’hui avec la réforme de l’assurance chômage proposée par le gouvernement) permettrait de protéger les salariés en contrat précaires des fluctuations extraordinaires du marché du travail que nous observons.

De même, une meilleure prise en compte des dépenses engagées par les ménages les plus pauvres dans le versement des aides sociales, à l’image des aides au logement, permettraient de mieux protéger les ménages les plus fragiles. Contrairement au revenu universel, ces mesures peuvent être mises en place rapidement, sans remettre en cause l’efficace système de protection sociale à la française.

Bien évidemment, à moyen terme, cela n’empêche en rien de réfléchir à la mise en place d’un revenu universel, qui, en mettant fin au non-recours massif aux aides sociales, pourrait permettre d’éradiquer la pauvreté en France. Encore faudrait-il que les pouvoirs publics acceptent d’y consacrer un budget important et que sa mise en place aille de pair avec une meilleure redistribution des revenus au travers une hausse importante des impôts. A titre d’exemple, le « revenu universel d’existence » proposé par Benoît Hamon durant la campagne de l’élection présidentielle affichait un coup budgétaire de l’ordre de 40 milliards d’euros pour un niveau minimum garanti de – seulement- 600 euros.

Il n’est – hélas -pas acquis que la crise que nous traversons actuellement ait eu à ce point raison des velléités d’économies budgétaires à l’adresse des aides sociales des pourfendeurs du « pognon de dingue » …

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