ITW Laurence Malençon pour ConfiNews
Vous venez de publier votre roman intitulé « l’Indivisible ». Un roman qui se passe dans le Paris « chaotique », mais fertile de la révolution française. Pourquoi avez-vous choisi de situer l’action de votre roman à cette époque ?
C’est par fidélité à l’enfant que j’ai été : je suis fascinée par la Révolution Française depuis que, petite, j’ai vu Danton et Robespierre de Robert Hossein au Palais des Congrès. En parlant avec plein de gens de mon projet de livre, j’ai réalisé depuis qu’on était beaucoup dans ce cas ! J’ai passé toute mon adolescence à lire tout ce qui me tombait sous la main sur la période, très peu convaincue par la version clivée, politisée qui était en vogue jusqu’aux années 2000 (les bons royalistes contre les enragés jacobins ou vice versa, les montagnards intègres contre les girondins commerçants…). Avec l’Indivisible, j’essaie d’apporter un regard neuf, désenkysté sur cette période extraordinaire. Dans la tourmente de la révolution française, un monde nouveau va émerger. Un monde dont nous sommes encore les héritiers aujourd’hui. Peut-on mettre en perspective 1793 et 2021 ?
C’est effectivement le souffle prodigieux de la transition qui anime l’Indivisible et rend cette époque si semblable à la nôtre: en cinq ans, nos pères de la République ont créé une Constitution mettant au centre la liberté et la propriété, donné aux femmes le droit d’hériter et celui de divorcer, aboli l’esclavage, dépénalisé l’homosexualité, créé des poids et mesure et une monnaie homogène, déclaré le français, langue nationale, créé les premières écoles primaires gratuites avec un enseignement que n’aurait pas renié Montessori, inventé le reverse mentoring dans le domaine militaire, utilisé les dernières innovations en communication comme le télégraphe ou l’aérostat, créé des écoles de formation pour remplacer l’antique système de la charge achetable par un système axé sur le mérite… Ce qui est si touchant, c’est que sans la guerre qui opposait la France à 15 armées extérieures et intérieures, nous aurions pu connaître une révolution beaucoup plus douce…
Au-delà des clichés parfois dichotomiques de l’histoire, Antoine Longhi, jeune diplomate travaillant pour le Comité de salut public, et Diane d’Ükalen, duchesse suédoise traquée par le gouvernement révolutionnaire vont-ils pouvoir surmonter leurs différences idéologiques ?
Mon roman n’en a pas l’air à première vue… Mais je crois maintenant que ce qui le traverse, c’est une énergie spirituelle : contrairement à d’autres personnages de l’Indivisible, Antoine et Diane se retrouvent dans des camps antagonistes, mais en sortent grandis, car ils ne se définissent pas par leur identité : ils ne s’assimilent pas à une artistocrate et à un jacobin. Il y a de la place pour le cœur, l’amitié, la recherche de ce tout qui les réunit. Nous aussi, nous pouvons prendre appui sur notre identité dans notre jeune âge pour nous construire, mais ne nous laissons pas réduire par des cases. Nous sommes bien plus grands que cela !
Vous nous décrivez une fresque historique à l’échelle nationale et européenne. La France va bouleverser le destin de l’Europe…êtes-vous nostalgique de cette époque ?
Au contraire, j’ai souffert en classe d’une lecture gallo-centrée de l’Histoire : tout tenait à ce qui se passait en France, nous ne savions presque rien de ce qui agitait les autres pays. Avec l’Indivisible, mon héros étant diplomate, j’ai aimé redonner à cet événement inouï sa véritable résonance européenne : les Suédois, les Danois et les Russes étaient surtout occupés à se disputer la Baltique, le Saint-Empire se désagrégeait doucement, faute d’un leader ambitieux, laissant la cis-Rhénanie se polariser vers les jacobins ; la Russie, la Prusse et l’Autriche étaient bien plus soucieuses de se partager la Pologne, ou pour l’Autriche de consolider ses frontières avec l’Empire Ottoman… Ce qui explique un peu aussi le succès de nos armées car leurs adversaires avaient d’autres chats à fouetter. Ce qui est vrai, c’est que beaucoup de contemporains partaient en learning expedition à Paris pour voir comment ils pouvaient exporter les idées révolutionnaires. Mais je ne crois pas qu’un pays ait matière à donner des leçons à un autre.
Vos personnages pourraient-ils se retrouver dans le monde d’aujourd’hui ? Sommes-nous à l’aune d’une nouvelle renaissance ?
Si la Renaissance se caractérise par l’apparition de nouveaux modes de diffusion, le renouveau des échanges commerciaux et des changements majeurs dans la représentation du monde, on y est ! Je m’occupe dans ma vie professionnelle d’aider les entreprises à communiquer sur leurs transitions. A ce titre, les mouvements que je constate sont impressionnants, même si je ne peux pas dire « sans précédent » car ils me rappellent la généreuse dynamique phalanstérienne du 19e siècle. Pour la première fois, l’article 1833 de la Loi Pacte permet à une entreprise de se déclarer d’utilité publique ; on estime que 10 000 entreprises pourraient se déclarer à mission d’ici 2025. A l’intérieur de l’entreprise, ça tire beaucoup : les modes de management verticaux sont très challengés. Le télétravail va accentuer encore les métamorphoses de l’entreprise en un projet collectif rassemblant des individus libres. L’éducation fait sa révolution : après les écoles primaires, des propositions radicalement nouvelles, fondées sur un équilibre entre le savoir-faire et le savoir-être voient le jour, concernant les collèges et même l’Université avec la création de Lumia cette année. Et je ne reviens pas sur #meetoo et les genres/diversités qui apportent des notions aussi radicalement nouvelles que genderfluid, non-binaire… La spiritualité s’inspire du quantique pour élargir nos perceptions du temps et de l’espace… Nous vivons cycliquement ces périodes où les battants des fenêtres claquent sous l’effet du vent nouveau. Nous savons aussi que les crises économiques les referment ensuite en nous laissant un filet d’air. A nous de ne pas nous laisser asphyxier. Le recul de l’histoire aide beaucoup, et déjà à savoir qu’on peut rêver autre chose que la prolongation de la ligne statistique, et créer notre disruption. Passionnée par la Révolution Française depuis toute petite, Laurence Malençon a dirigé pendant 15 ans sa propre agence, rouge, l’Agence des Solutions Révolutionnaires (sic), qu’elle a revendu au groupe de communication français Hopscotch. Depuis, directrice de l’Innovation chez Hopscotch, elle aide les entreprises à se familiariser avec les initiatives de transition, et à les intégrer dans leur management et leur communication. L’Indivisible, paru chez Plon le 11 Mars 2021 est son premier roman.
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