Interview de Jean Rottner – Président de la région du Grand Est et médecin urgentiste
1) Votre région a été la première région touchée par le Covid-19; vous avez donc dû être en première ligne. Etant à la fois Président de région et médecin urgentiste, la maîtrise de la culture de ces deux mondes, vous a-t-elle aidé à mieux appréhender cette crise? Naturellement, j’ai très vite vu, de l’intérieur de l’hôpital, que la vague allait rapidement nous submerger et que nous n’étions pas préparés. Nos soignants n’ont jamais eu affaire à une telle épidémie, tant dans son ampleur que dans la rapidité avec laquelle elle nous a touchés, à Mulhouse dans un premier temps, puis dans toute la région Grand Est. Les situations de crise font partie du quotidien d’un urgentiste, aussi bien que d’un élu, mais face à ce phénomène, il a effectivement été nécessaire de s’adapter rapidement et de trouver des solutions inédites, comme les évacuations de patients vers d’autres régions ou d’autres pays pour en accueillir de nouveaux. C’est à ce niveau que l’élu que je suis a pu utiliser son réseau pour venir en appui à l’urgentiste que je reste.. 2) Le fait d’être une région frontalière constitue-t-elle un atout dans la lutte contre le Covid-19, tant sur le plan logistique que médical ?
Oui très clairement. Nous avons pu rapidement compter sur le soutien de nos voisins allemands, luxembourgeois et suisses qui ont accepté de prendre en charge certains de nos patients pour désengorger nos services de réanimation. Ils nous aident également d’un point de vue logistique, notamment pour les transports de patients. Ils ont également parfaitement joué le jeu du confinement et de la fermeture des frontières, sauf pour les travailleurs frontaliers, afin de limiter la propagation du virus.
3) Quelles initiatives avez-vous prises pour adapter les services de la région à cette crise?
Les services de la Région ont été fermés et l’ensemble des agents qui en ont la possibilité travaillent depuis leur domicile. Ils sont pleinement mobilisés et la continuité du service public est totalement assurée. De nombreuses réunions ont lieu tous les jours en audio ou visio conférence et nous travaillons activement avec nos partenaires, notamment l’Etat, les autres collectivités locales et le monde économique, pour mettre en place des dispositifs simples et efficaces pour pallier les conséquences de la crise et préparer d’ores et déjà la phase 4.
4) Les compétences attribuées aux régions sont-elles suffisantes pour faire face à un tel défi?
La violence de cette épidémie et les conséquences qu’elle entraîne pour notre économie, mais de manière plus large pour notre société, nous conduisent à prendre des mesures d’urgence et d’exception. Globalement, aujourd’hui, je n’ai pas connaissance d’un blocage du fait de nos compétences. Certes, la situation est exceptionnelle, mais je mesure au quotidien que les Régions, avec leurs compétences, sont pleinement identifiées comme les cheffes de file dans de nombreux domaines et qu’elles ont pris la mesure de la crise avec des dispositifs adaptés et souvent plus réactifs que ne le sont ceux de l’Etat.
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